Court historique des restaurants gastronomiques

La cuisine de l'époque...

C'est aux alentours de 1350 que l'on trouve le premier traité culinaire en langue française : le Viandier de Taillevent, cuisinier en chef (« queux ») du dauphin puis du duc de Normandie, futur Charles V. Cet ouvrage traite de tous les aliments (c’est le sens de « viandes » jusqu’au XVIe siècle), mais insiste sur les cuissons rôties et bouillies et sur les sauces très épicées.

Dans les potages, Taillevent emploie la cannelle, le gingembre et le safran en accompagnement des volailles et des gibiers. Très souvent à base de farces et de hachis, sa cuisine gastronomique va perdurer longtemps sur la préparation des menus gastronomiques à la cour des Rois. C'est alors Catherine de Médicis qui apportera une évolution dans la préparation des mets grâce aux chefs venus de Florence. A partir de ce moment-là, on voit apparaître une alimentation enrichie de brocolis, d'artichauts et de légumes. Les pâtes sont elles aussi découvertes à ce même moment avec les quenelles et la viande de veau de lait.

Dès 1651, une nouvelle ère pour les restaurants gastronomiques vient au jour par le talent de Varenne et de son cuisinier François qui va s'étendre jusqu'à la fin de 1790.

Ainsi, se forme une compagnie de l'"ordre des coteaux", par l'intermédiaire des plus fins palais de France. On voit apparaître également le raffinement des arts de la table, l'ordonnancement des couverts et des porcelaines, les débuts de la restauration gastronomique...

A partir de la Révolution, un changement important s'opère au niveau gastronomique. Par l'intermédiaire des maîtres queues au service des grands aristocrates et des princes, vont naîtrent les "restaurants gastronomiques modernes"… .En 1782, ouverture de la Grande Taverne de Londres rue Richelieu à Paris, un restaurant gastronomique réputé pour l'époque, avec le talent de Antoine Beauvillier. C'est ici la cuisine dite "bourgeoise" conçue par Menon au milieu du XVIIIème siècle. Ce qui fait naître par la même occasion, une meilleure circulation des produits entre les terroirs provinciaux et leur intégration dans les menus des Grands restaurants gastronomiques de cette époque. Artisanat naissant, il devient un art grâce au poème de Joseph Berchoux, juge et amateur culinaire.

Les disciples de la grande cuisine gastronomique acquièrent le savoir-faire et le savoir-être des maîtres par des apprentissages efficaces. Le fameux "tour de France" de ces apprentis, qui découvrent la province, les restaurants gastronomiques et leurs spécificités culinaires.

Les ouvrages très sophistiqués (dédiés aux restaurants gastronomiques) d’un Marie-Antoine Carême, cuisinier de Talleyrand avant d’aller servir le tsar, ou le retentissement mondain des créations d’Adolphe Dugléré forment un héritage où l’élaboration de banquets somptueux s’accompagne de recherche et d’une certaine démarche scientifique.

Ainsi, parallèlement au faste culinaire, des Français proposent de notables avancées dans le domaine alimentaire pratique, comme Appert qui conçoit les conserves pour les armées napoléoniennes et Chaptal qui rationalise la fermentation du vin.

La langue ne reste pas muette devant ces plaisirs et la littérature s’empare des menus et des recettes pour en faire des textes délicats à l’attention des restaurants gastronomiques. Si Alexandre Dumas se consacre à la compilation pittoresque de recettes pour son grand dictionnaire, l’œuvre qui embrasse tous les aspects de la nutrition, de la gourmandise à la chimie et de l’art de recevoir à la sensualité des mets est la célèbre Physiologie du goût de Brillat-Savarin, qui rend hommage à l’invention des hommes et à la prodigalité de la nature (très utilisé dans les cuisines de restaurants gastronomiques français). Ce gourmet pour lequel « un festin est un abrégé du monde » marie la recherche de la science et l’ivresse des goûts. En véritable anthropologue, il dresse l’étalage des savoirs que mêle l’art gastronomique et la variété des situations où l’homme, quand il mange, ressent, rêve, élabore ou médite.

Pour accéder à une reconnaissance universelle de la cuisine gastronomique française, au tournant du XXe siècle, de l’effort d’Auguste Escoffie spécialisé dans la restauration gastronomique hôtelière de luxe, cuisinier de Mac-Mahon, fut aussi un esprit pratique étudiant l’approvisionnement des troupes, la conservation de la tomate ou collaborant à la recette du bouillon « Kub » de Maggi.

Cuisinier des millionnaires, Escoffier est cependant l’inventeur du menu à prix fixe. Sa carrière dans les plus prestigieux palaces de la Riviera, de Paris ou de Londres aux côtés de Ritz (le fondateur du célèbre hôtel), lui assure une notoriété dont il fait profiter les produits français qui voyagent avec lui. Les « dîners d’Épicure » qu’il organise simultanément dans 140 villes des deux mondes présentent à des milliers de convives, les mêmes plats et marquent l’avènement de la grande cuisine gastronomique française.

Prenant la suite de la ligue des gourmets qu’il anima, la fondation qui porte aujourd’hui son nom organise encore des échanges entre grands chefs de restaurant gastronomique français.

À partir des années 1930, la région lyonnaise défend son originalité avec la mère Brasier ou Fernand Point, qui décentraliseront un peu l’excellence à la française. Le labeur et l’attention scrupuleuse portée aux produits de saison sont le socle du génie solide que défend cette cuisine gastronomique. Fernand Point, la figure sans compromis de l’énergie au service de la grande cuisine gastronomique, illustre cet appétit de connaissance qui travaille les grandes toques : « Lorsqu’il est question de cuisine gastronomique, on doit tout lire, tout voir, tout entendre, tout essayer, tout observer, pour ne retenir à la fin qu’un tout petit peu ».

Prenant sa suite, les frères Troisgros et Chappe vont initier des lignées entières de chefs voués à cette tradition alors que les Bocuse, Guérard ou Senderens défendront dans les années 1970 l’exotisme et l’innovation d’une « nouvelle cuisine gastronomique ». Aujourd'hui, le terroir connaît toujours le succès, mais la mondialisation est en marche : de grands restaurateurs gastronomiques européens, asiatiques ou américains ont pignon sur rue, la cuisine gastronomique s'imprègne de nouvelles saveurs étrangères (comme elle l'a fait jadis), tandis que des révolutionnaires inventent une gastronomie excentrique, ludique et colorée.

d'après Réf wenencyclo

 

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